Savez-vous qu’en France, environ 8 millions de ménages* vivent avec des enfants de moins de 18 ans ? Sachant qu’il y a en moyenne 2 enfants par ménage*, cela fait donc 16 millions de frères et sœurs qui doivent se supporter tous les jours ! L’INSEE ne donne malheureusement pas de statistiques sur le nombre moyen de disputes par an ; cela découragerait peut-être les parents de faire des enfants et le taux de natalité s’effondrerait.

Car, même si avoir des frères et sœurs procure de nombreux avantages, comme celui de partager des jeux, ce n’est quand même pas simple à vivre au quotidien : que l’on soit le plus jeune ou l’aîné, ou bien entre les deux, nous avons tous mené, jour après jour, de petits combats qui n’ont qu’un seul objectif : obtenir la meilleure place.

On partage tout…

Chez moi, nous étions 4 enfants. Je suis la plus jeune et mon frère aîné a 5 ans de plus que moi. On peut dire que nos parents ont bien travaillé. [Fermez les yeux une seconde, et essayez d’imaginer ce que c’est que d’avoir quatre enfants en bas âge, en même temps, à la maison].

D’un côté, c’est pratique : avec cet écart d’âge, nous partagions les mêmes jeux et nos parents pouvaient sans doute disposer de temps libre.

D’un autre côté, nous partagions aussi nos microbes : quelle belle surprise, un beau matin, lorsque nos parents nous découvrirent tous les quatre couverts de boutons de varicelle ! Si ces sacrées vésicules nous avaient moins démangées, nous les aurions surement comptées pour savoir qui en avait le plus…

C’est moi Laurel, c’est toi Hardy, c’est toi le gros et c’est moi le petit…

Car dès qu’il y a deux enfants, on les compare, ils se comparent : qui a les meilleurs résultats scolaires, qui a perdu le premier ses dents de lait, qui est le plus grand, etc. Aujourd’hui encore, chez mes parents, apparaissent à moitié effacés le long du mur de la cuisine, de petits traits écrits au stylo à bille. Il s’agit de nos tailles, au fil du temps.

Petite, je me haussais discrètement sur la pointe de mes pieds, pendant que maman me mesurait après avoir posé une boite de gâteau sur ma tête : « Tu vois, là, c’est ta taille aujourd’hui, et là, c’est celle de ton frère au même âge. »

Je regardais et c’était indiscutable : l’initiale de son prénom était parfaitement lisible à côté du trait. Comment voulez-vous argumenter ? Et maudissant intérieurement les mètres et les stylos à bille, je retournais finir ma soupe !

Parfois, les comparaisons sont tout à fait vexantes. Notre médecin de famille qui ne voulait sans doute pas s’embêter à retenir nos prénoms, m’avait surnommée « la grosse », pour me différencier de ma sœur. Elle, il l’appelait « la puce ». Je ne sais pas s’il y a un rapport, mais, quelques années plus tard, j’étais aussi mince qu’un sandwich SNCF ! Merci docteur.

Cadet : la bonne place !

Mais je ne me plains pas, car tout cela était compensé par le fait que j’étais la plus jeune… et donc, un « spécimen » un peu particulier, dénommé à l’unanimité par ma fratrie : « la chouchoute ». Ceci parce que, lorsqu’il y avait une dispute, c’était toujours les autres qui étaient punis. Je n’y peux rien : le plus petit a cette chance incroyable d’être dédouané de tout… Il n’est jamais responsable. Forcément, il est tout petit, le pauvre ! Le chouchou profite donc pleinement de sa jeunesse et fait de ses aînés, ses vassaux… jusqu’à ce que la situation se rétablisse en leur faveur, à peu près au moment de l’adolescence.

L’ainé : Il attend le grand jour…

Certes, l’aîné essuie les plâtres. Il doit montrer qu’il est responsable, suffisamment mature pour qu’on lui fasse confiance ; il peut servir éventuellement de baby-sitter pour ses frères et sœurs tout en étant le souffre-douleur du chouchou. Une « vie de rêve », en quelque sorte !

Jusqu’à ce que le grand moment qu’il espère depuis des lustres arrive : enfin, il est en âge de sortir seul ! Et là, les « petits », qui se sentent alors microscopiques, ne peuvent que le regarder [les bras et la langue pendants, comme le loup de Tex Avery] ouvrir la porte, se retourner pour les narguer et passer le palier avec la démarche d’Aldo Maccione.

La morale de cette histoire, tralala la lalalilalère, c’est que toutes les places sont bonnes à prendre, mais que personne n’est content de la sienne. J’ai eu une excellente (!) idée pendant que j’écrivais cet article et je vais la tester de ce pas, auprès de mes enfants : je vais proposer au plus jeune de prendre, le temps d’une journée, la place du grand. À votre avis, quel sera le résultat ?

En conclusion, quelques histoires de frères et sœurs qui m’ont frappée :

  • L’incompris, film de Luigi Comencini (1966) : Deux frères doivent affronter la mort de leur mère. Le père, convaincu que le plus jeune, Milo, est le plus affecté par cette disparition, n’apporte que peu d’attention à l’aîné, Andrea. Celui-ci affiche une parfaite insensibilité, mais souffre en silence. Un film magnifique et aussi, très triste.
  • Les Thibault, saga familiale de Roger Martin du Gard, composée de 8 romans : les héros sont deux frères, Antoine et Jacques aux caractères opposés. J’ai dévoré ces romans il y a très longtemps et ils m’avaient profondément marquée.
  • Sans oublier, du côté des filles, Les quatre filles du Docteur March de Louisa May Alcott, avec ses personnages archétypaux : Margaret dite « Meg », l’aînée (la raisonnable) ; Joséphine dite « Jo » (l’intrépide) ; Élisabeth dite « Beth » (la charitable) ; et Amy, la cadette (l’orgueilleuse).

*Source Insee