Cela fait plusieurs jours que j’ai décidé d’écrire un article de blog.
Et que je trouve des tas de raisons pour remettre au lendemain.
Il faut me rendre à l’évidence : Écrire pour mon blog me pose un problème.
Là où je ne rencontre aucune peine à écrire lorsqu’il s’agit de raconter une histoire, le syndrome de la page blanche, je l’endure, lorsqu’il s’agit d’écrire pour mon blog.
Et pourtant, j’aime le résultat que j’obtiens, lorsque j’y parviens. Ceci pour répondre à la question que vous êtes en train de vous poser : « Ben alors, pourquoi est-ce qu’elle tient un blog, cette crétine, si c’est un tel calvaire ? » Si, si je vous ai entendus ! Ne le niez pas.
Donc, comme je n’ai pas envie mais que j’aime ça… (Euh… vous pensez à quoi, là ? Faut arrêter de penser, j’entends tout, je vous dis !!), j’ai donc décidé d’écrire sur cette épreuve. Ayant fait un « petit » travail d’introspection, j’ai saisi quelques-uns des mécanismes plus ou moins conscients qui se mettent en place :
Le manque d’intérêt
Lorsque je suis devant ma page (blanche), j’entends une petite voix qui me susurre : Tu n’as rien de très intéressant à dire. Et de toutes manières, qui peut bien s’intéresser à ce que tu racontes ?
Cette (sale) petite voix pense donc que je n’ai rien à dire. La preuve ? Regardez, j’ai réussi à remplir une demi-page, sans avoir rien à dire.
Bon, je sais bien que c’est faux. Mais n’empêche qu’au moment de poser mon doigt sur le clavier, ce doigt qui est relié à mon cerveau, lui-même manipulé par la (sale) petite voix, reste bloqué. Je crois qu’on appelle ça la crampe de l’écrivain.
Et là… à l’instant où j’écris ce mot « instant »… je lui réponds à ma (sale) petite voix : Tu as vu comme je t’ai bien niqué cette fois ? Héhé.
Faire un effort
Écrire constitue un effort, quand je pourrais tout simplement m’installer sur la terrasse avec un bon livre et oublier le temps qui passe.
Lire, c’est m’oublier moi-même et surtout, faire taire ma (sale) petite voix.
J’ai remarqué depuis longtemps (depuis que j’ai appris à lire en fait), que lire me soulage des tracas de la vie. Alors j’en use et j’en abuse. C’est une habitude ancrée et une sorte d’addiction. Il me faut ma petite piqûre quotidienne de fiction littéraire. Mais de ça, je vous parlerai une autre fois.
Le truc, c’est qu’il faut bien manger, boire, nourrir les poissons rouges, que sais-je. Et à l’entracte, la (sale) petite voix se réveille : Au fait, ma cocotte, tu n’as pas une vie à vivre quand même ? Une vraie vie, je veux dire… Et ptêt même un livre à écrire.
Vous voyez comme elle est vicieuse, ma (sale) petite voix ? Quand ça l’arrange, elle viendrait même me reprocher de ne pas écrire.
La culpabilité
Comme je viens de l’écrire dans un post Instagram, écrire est culpabilisant :
Non mais, sérieux ! Tu écris ? Mais tu n’as pas autre chose à faire, nom d’une pipe ? Le repas de demain, il va se préparer tout seul ? Le linge, il va se repasser par l’opération du Saint-Esprit ?
Le Saint-Esprit… Qu’est-ce qu’il vient faire ici ? Eh bien, il n’est pas là pour rien, figurez-vous. La sacro-sainte morale judéo chrétienne dont chaque fibre de mon corps est imprégnée malgré les nombreuses douches que j’ai prises depuis ma première communion, fait que prendre du plaisir n’est pas facile. Voire difficilement accessible. Ou alors, masqué par des tonnes de justifications plus ou moins cohérentes.
Ecrire pour se faire plaisir ? Non mais, allo quoi ! Et ne faire plaisir qu’à soi en plus ?! Un genre de « masturbation » littéraire, en fait ! Carrément dégueu !
Ces trois difficultés, je les rencontre lorsque j’écris, qu’il s’agisse de fiction ou de mon blog. J’ai trouvé des outils pour les contourner. Ce qui m’a permis de publier deux romans et un recueil de nouvelles. Mais pour le blog, il se rajoute une quatrième difficulté. Et je crois bien que c’est celle-ci la plus bloquante.
L’exposition
Ici, pas de fiction derrière laquelle me cacher. L’exposition est terrifiante. C’est elle qui paralyse mes doigts sur le clavier.
Quand j’écris un roman, je défie quiconque (en dehors de mes proches bien sûr, et encore…) de me retrouver dans les protagonistes. Je n’ai pas l’impression de me balader toute nue dans mes romans. Bien que ma psy m’ait dit un jour après avoir lu l’un de mes livres, je t’ai reconnue dans chacun des personnages. Bon… mais c’est ma psy.
Je ne m’allonge pas sur le divan de n’importe qui, figurez-vous. Non. Et je ne voudrais pas que mon blog devienne une sorte de divan ouvert sur le monde. Mais comment faire alors ?
Ecrire pour dire des choses sans intérêt ? Aucun intérêt justement. Vous savez, cela me fait penser à ces personnes qui vous montrent pendant des heures les photos de leurs dernières vacances et qui pensent que ça vous intéresse…
Ecrire à propos de sujets qui me touchent, sans en dire trop de moi, tout en en disant assez… C’est possible, mais pas évident.
Une lectrice m’a récemment dit : « Je suis allée sur ton blog, et j’ai vraiment beaucoup aimé tes articles. » Un autre : « Je me suis reconnu dans ce que tu écris. »
Presque étonnée, je retourne sur mes anciens articles, et… j’aime bien ce que je lis, moi aussi. Je ne crois pas m’être mise à nue, mais pourtant, il y a bien de moi, là-dedans. Mon moi profond. Sincère.
Ou la la !?! Ça y est, j’en ai trop dit, là ! Beurk. Vous voyez ? l’exercice n’est vraiment pas facile. Essayez, vous verrez…
Ecrire pour mon blog c’est maitriser l’art délicat d’être honnête, pas chiante et intéressante. D’être vue… sans être vue. C’est écrire en avançant sur la corde raide. Avec la peur de tomber à tout moment, d’un côté ou de l’autre. D’un côté, l’intime. De l’autre, le factice.
C’est de moi !
Allez, une petite histoire pour terminer (j’aime bien raconter des histoires, vous le savez !) :
Capucine voudrait qu’on la regarde. Qu’on l’écoute. Qu’on la « calcule », comme ils disent. Quand elle se regarde dans la glace, elle ne se trouve pas si vilaine. Elle soulève ses cheveux, fait des mimiques, prend des poses, tente de se regarder sous tous les angles en réglant tour à tour, l’orientation des trois glaces du meuble de salle de bains.
A la porte, ils frappent. Ils lui reprochent régulièrement d’occuper trop longtemps la salle de bains.
Mais qu’est-ce que tu fous, merde ! crie son frère à travers la porte. Chui à la bourre ! C’est pas vrai !!! finit-il par hurler en frappant du plat de la main sur la porte.
Capucine continue à se regarder. Elle, elle n’a pas de rencart. Les garçons, elle les reluque, mais eux, leur regard passe à travers elle. Elle ne sait quoi faire pour happer leur attention. Et en même temps, elle fait tout pour se fondre dans le décor. Étrange. Incohérent. Elle ne se comprend pas elle-même.
Il y en a bien qui laisse traîner leurs yeux sur elle. Mais ce regard-là, presque dégoulinant, n’est pas tellement agréable. Alors, elle observe. Elle les observe. Elle se perd dans ses observations. Imagine. Rêvasse, comme disent ses professeurs, quand ils la surprennent le regard vague, en train de suçoter son stylo à billes.
Bon, tu sors de là, insiste Baptiste, d’une voix plus douce, tentant de l’amadouer. Puis, quelques secondes plus tard, voyant qu’elle ne bouge pas, il se remet à hurler : Si tu sors pas, j’enfonce la porte. Maman, fait quelque chose, putain !!!
Maman le recadre d’une voix sévère, puis elle s’y met elle aussi : Capu ? Faut sortir maintenant ! T’es tombée dans les pommes ou quoi ?
Capucine souffle. Ils sont lourds. Si lourds. Il n’y a pas un endroit dans cette maison où elle peut être tranquille. Elle jette un dernier coup d’œil à son reflet et s’approche à regret de la porte. Elle prend une grande inspiration puis tourne la clef. Pose la main sur le loquet et ouvre.
Baptiste lui lance un regard furibond, la bouscule en soufflant Eh ben c’est pas trop tôt !, la pousse brusquement dehors et s’enferme à son tour.
Les bras croisés, sa mère la regarde passer et la suit dans sa chambre.
— Ça va, Capu ? Tu as l’air bizarre.
— Mouais. T’inquiète.
— Tu ne vas pas à la fête avec ton frère ?
— Chui pas invitée. Et de toute façon, j’connais personne…
— Hm… Il peut t’emmener, tu sais. Aujourd’hui, les invitations… c’est pas si important.
— Non, j’ai pas envie, je te dis ! Je préfère lire, jette Capucine en s’asseyant en tailleur sur son lit.
Maman continue à insister mais petit à petit ses mots deviennent un bourdonnement, pendant que Capucine se laisse embarquer dans les aventures de son héroïne préférée.
Maman observe Capucine, plongée dans son livre, les sourcils froncés. Soupire. Puis retourne à ses occupations.
Capucine, elle, a totalement oublié Batiste, maman, sa chambre et ses futiles préoccupations d’ado. Elle est Milady, cette femme haïssable, dangereuse, mais tellement belle, tellement attirante, à laquelle aucun homme, même le plus courageux, ne peut résister.