ou la difficulté de créer et faire vivre l’émotion en littérature.

« Tu vas voir, ça déchire ».

C’est ce que m’a dit un collègue en me prêtant « My absolute darling* », le premier roman d’un jeune écrivain américain, Gabriel Tallent.

Une claque. Cela fait longtemps que je n’avais pas été touchée à ce point par un roman.

Et c’est d’autant plus curieux que, si j’avais su au préalable ce dont il parlait, il y a de fortes chances que je ne l’aurais pas lu.

Je vous explique. C’est l’histoire d’un amour inconditionnel entre un père et sa fille. Entre une fille et son père. Un amour au-delà de la norme. Violent. Proscrit. Disons-le mot : Incestueux. J’ai la sensation de vous « spoiler » en vous le décrivant ainsi (bien qu’on l’apprenne dès la 30ème page). Et peut-être que, sachant cela, certain(e)s d’entre vous ne voudront pas lire ce magnifique roman. J’en suis désolée… mais j’ai besoin de vous le dire pour développer cet article de blog.

Je dois vous avouer que je n’aime pas (mais alors, pas du tout) les histoires où les enfants sont mal traités. Ici, je l’avoue bien malgré moi, l’auteur de « My absolute darling » m’a embarquée. À ma décharge, étant donné que je n’étais pas alertée sur le thème et que la quatrième de couverture passe totalement sous silence ce « détail » pourtant central du roman (pour ménager la surprise ou éviter de perdre de potentiels lecteurs en route, allez savoir !), quand j’ai compris de quoi il retournait, il était trop tard, j’étais déjà happée. Sous l’emprise, comme Turtle. C’est le surnom de l’héroïne (de 14 ans) de ce roman. Elle aussi est absorbée malgré elle par ce père « charismatique et abusif »… à qui on ne pardonne rien, dont on ne cautionne pas les actes, mais dont on sent le mal être et le désespoir, si profonds, si insondables… que l’on se prend à l’aimer aussi.

On… Je devrais dire, Je.

C’est ainsi que j’ai aimé un sale type durant 454 pages.

Pourquoi est-ce que je vous raconte tout ça ? Eh bien, parce que je viens de commencer à écrire un nouveau roman, dont le héros désensibilisé dans sa jeunesse, se met à ressentir des émotions* ; je me pose donc beaucoup de questions sur les émotions et j’avais envie d’écrire un article de blog à ce sujet : Comment les faire surgir dans l’écriture ? Et comment les faire vivre tout au long des pages, jusqu’au mot Fin ? Je ne savais pas par quoi commencer… Comme d’habitude avec mon blog, je bloquais.

Et voilà que « My absolute darling » tombe entre mes mains. La vie nous fait parfois de ces surprises… Ce roman m’a « prise par le coeur » et ne m’a plus lâchée jusqu’à la fin. Alors, quelle est la recette de Gabriel Tallent, (en dehors de son fichu patronyme : on a compris qu’il en avait du talent, pas besoin d’en rajouter) si recette il y a, ce dont je doute.

Mon coach en écriture, Anaël Verdier, dit que pour apprendre et progresser dans l’écriture, une méthode consiste à prendre un livre que l’on a particulièrement aimé et d’essayer de comprendre comment l’écrivain a procédé pour nous toucher. C’est ce que j’ai entrepris de faire…

Mais tout d’abord, je me suis demandé : L’émotion, c’est quoi, précisément ? Parce que, techniquement, si on comprend ce qu’elle est, ça devrait être plus facile de la faire naître… et de la faire vivre tout au long des pages. Non ?

On se rassure comme on peut. On… Je devrais dire, je.

Lire la suite de l’article : L’émotion, cette « particule » de Dieu

A l’heure où je publie cet article, je tombe des nues en parcourant le bel hommage de François Busnel à la grande Toni Morrison, qui nous a quittés cette semaine pour le paradis des écrivains. Il raconte comment il a parlé d’elle et de son roman phare Beloved, lors de sa rencontre avec Gabriel Tallent dans un bar déglingué à la sortie du Parc de Joshua Tree, de l’admiration que le jeune auteur lui portait et de tout ce que son roman « My absolute darling » doit au chef d’œuvre de Morrison…

*Il s’agit de la suite de « Dans les yeux d’Iwa« , une nouvelle post-apocalyptique que j’ai écrite et publiée dans une anthologie d’auteurs variés sur le thème « Les hommes froids« , disponible sur Amazon.